solidarité avec Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò
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A Sarà Düra (Vous allez en chier)

En 1990, le Conseil de la Communauté européenne approuve un plan directeur de construction d’un réseau européen de 30 000 km de lignes de train à grande vitesse, afin de relier toujours plus vite les grands pôles économiques d’Europe et de faire circuler la marchandise et les riches en des temps dignes d’une société ultramoderne. L’axe prioritaire n°6 confirmé le 16 novembre 2005, part de Lyon et passe par Turin, Milan, Venise, Trieste et Budapest pour finir vers Kiev. La liaison Lyon-Turin, à travers le Val Susa, inclut la réalisation d’un tunnel de 53 km. La France et l’Italie, après avoir été retardés par des questions de gros sous depuis 1996, concluent en janvier 2001 l’accord devant mener ce projet à bien. Fin 2003, l’Union Européenne accepte de verser 20 % des 13 milliards prévus, puis 50 % en été 2004. Les premiers travaux, après récupération des terrains expropriés, devaient donc commencer en Italie sous forme de sondages à Borgone, Bruzolo, Chianoco, Bussoleno, Mompantero, Giaglone et de galerie de reconnaissance à Venaus, sortie du futur tunnel.

2005

4 juin : La manifestation en vue de remobiliser les habitants de la vallée à l’approche des sondages géologiques sur les différents sites, qui sont la dernière étape avant le début des travaux, réunit 30 000 personnes.

20 juin : La tentative des sondeurs de venir prendre possession du site de Borgone est repoussée par la population sous l’égide de leur maire. Un journaliste de la télé régionale TG3 est chassé. La méthode pour empêcher les techniciens et leur foreuse de venir prendre possession des terrains expropriés, qui sera utilisée tout le mois, est la convocation d’un conseil municipal sur site du matin au soir appuyé par un rassemblement de la population.

21 juin : une cinquantaine de maires et conseillers municipaux sont reçus par l’adjoint aux transports du conseil régional. La région Piémont accorde le lendemain un moratoire de 3 mois avant de début des premiers sondages, pensant gagner du temps afin de « convaincre » ses têtus d’administrés.

27 juin : La tentative de venir prendre possession du site de Bruzolo est repoussée par la population.

29 juin : La tentative de venir prendre possession du site de Venaus est repoussée par la population.

9 septembre : Rassemblements et informations devant les gares de plusieurs villes des Alpes occidentales en solidarité avec la lutte du Val Susa.

6 octobre : Le ministre des transports suspend au 31 octobre la venue de 900 flics supplémentaires afin de reprendre les derniers terrains à sonder. Le rassemblement prévu à Venaus pour s’opposer aux réappropriations des sondeurs se tient néanmoins, mais dans une ambiance moins tendue.

13 octobre : Dominique Perben, ministre français des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, inaugure les travaux de la descenderie de La Praz en Savoie dans le cadre du chantier du Lyon-Turin. Elle constitue le 3e chantier engagé en Savoie par Lyon Turin Ferroviaire (LTF, société franco-italienne qui a en charge la partie commune aux deux pays).

30 octobre : C’est le dernier jour, selon certains critères légaux, pour que les sondeurs se rendent sur les différents sites. Toute la vallée est bloquée par une marée humaine, les voies d’accès aux terrains sont barricadées. Les techniciens et leurs foreuses, protégés par un millier de flics, ne parviennent pas à forcer les routes malgré les nombreuses charges. Les quelques unités qui parviennent à passer par les sentiers dérobés de la montagne sont accueillies comme il se doit lorsqu’elles atteignent le sommet. Les trains (dont les TGV) qui relient Modane à Turin sont bloqués plus de 30 fois, plusieurs usines débrayent à la sauvage. Le chef-lieu Susa est totalement blindé et l’on n’y rentre qu’avec ses papiers d’identité. A 17h, la défaite du gouvernement semble consommée, les maires négocient le retrait provisoire des flics contre la levée des barrages. La journée se finit par de grandes fêtes dans les villages.

31 octobre : « Trahissant » une parole qui n’engage que ceux y croient, les forces de l’ordre prennent tous les terrains ce matin-là vers 3h, notamment la zone de Mompantero si bien défendue la veille. Ils sont clôturés tandis que les routes qui y mènent sont interdites à toute personne. Plusieurs gares sont occupées en réaction. Les maires tentent une nouvelle fois d’enliser la lutte sur le terrain légal en bloquant sur les recours. Une grève générale en Val Susa ainsi qu’une nouvelle manifestation sont tout de même décidées en assemblée générale pour la mi-novembre.

6 novembre : Les flics ‘trouvent’ un étrange colis piégé laissé désamorcé volontairement et accompagné d’un tract « Val Susa Rossa » sur la route nationale. C’est l’occasion rêvée pour les flics et les journaux de ressortir leurs fables sur les anarchistes et les mensonges de 1998.

8 novembre : « Déjà 100 possibles mises en examen (des élus, des jeunes des centres sociaux, des familles) tous possiblement inculpés pour avoir participé aux différents blocages qui ont eu lieu le 31 octobre. Les flics ont tapé et en plus les magistrats inculpent. Le Val Susa est envahi de flics avec de continuelles provocations — les habitants de certains villages sont soumis à 4 contrôles voire plus pour aller au boulot. Les flics volent le bois entreposé dans les montagnes pour se chauffer aux barrages routier. Ils balancent aussi leurs saletés dans les cours de ferme. Lorsque vous avez un chien, obligation de le tenir en laisse même à la campagne. Pour ce qui est des ouvriers qui travaillent aux sondages sur les chantiers, ils sont protégés par les flics et en plus sortent de leur travail avec une couverture sur la tête pour ne pas que les habitants de la vallée présent auprès des chantiers puissent les reconnaître. »

13 novembre : une marche aux flambeaux de nuit sur les sentiers des partisans réunit des centaines de personnes.

16 novembre : 80 à 100 000 personnes manifestent de Bussoleno à Susa. La grève générale est largement suivie malgré le refus des grands syndicats nationaux de l’appuyer, tous les commerces ont baissé leur rideau. Des gamins aux plus vieux, tous et toutes sont dans la rue et dans la montagne. Dans une vallée qui compte 50 000 habitant-e-s, les renforts sont venus de toute la région et de la capitale du Piémont, Turin. Cette manif avait aussi comme slogan la fin de la présence policière : 15 000 policiers occupent en effet la vallée depuis maintenant 3 semaines.

28 novembre : Les flics prennent position à 3h du matin à Venaus pour protéger les travaux de sondage préalable de ce lieu choisi pour abriter l’entrée du tunnel de 53 km puis filent des coups à Agnoletto et molestent 4 autres députés européens venus en délégation voir ce qui se passait.

29 novembre : Alors qu’une nouvelle manifestation réunit 30 000 personnes, près de 5 000 autres se rendent sur le site du chantier de Venaus, à 1 500 mètres d’altitude, et y chassent la flicaille. L’occupation permanente est décidée : tentes, poêles et assemblées vont la rythmer pendant une petite semaine… « Les discussions entre les différents groupes sont parfois très vives. D’aucuns discutent avec les sbires présents sur le terrain de 4 hectares alors que d’autres veulent leur lancer des pierres. Discussions qui pourtant n’empêchent pas que le mouvement continue et s’élargisse. »

30 novembre : « Des paysans amènent du bois avec leurs tracteurs pour renforcer les barricades que d’autres ont commencé à construire, malgré le grand froid. Les discussions continuent mais le nombre de personnes discutant avec les forces de défense du projet diminue, car l’activité se concentre sur la défense du lieu et la concertation à l’intérieur du mouvement. C’est la fin des altermoiements. »

2 décembre : « L’ambiance et la combativité semblent être meilleures que le premier jour. Les flics se contentent de pousser pour essayer de déloger les manifestants mais n’y arrivent pas car ils sont bien moins nombreux. » Peu après 22h, ils se retirent plus loin, dégoûtés par la rapide affluence des valsusains (600 en une heure) venus renforcer les petites dizaines d’occupants du dernier site qu’ils ne contrôlent pas.

5 décembre : Le ministre de l’intérieur déclare qu’il envoie 900 policiers supplémentaires en Val Susa.

6 décembre : C’est vers 3h30 du matin qu’un millier de policiers et carabiniers attaquent le dernier site occupé, celui de Venaus. Ils matraquent à tour de bras les 200 habitants qui dorment-là avant de raser tout le campement au bulldozer puis d’installer des barrières. 19 personnes sont blessées, dont deux gravement (un retraité de 64 ans a un traumatisme abdominal à force de coups et un jeune de 22 ans un traumatisme crânien) que la rumeur faisait passer pour mortes. A l’annonce de l’attaque, les habitants de toute la vallée de Venaus à Turin descendent dans les rues, les églises sonnent le tocsin. Petit à petit, tout s’arrête en une grève générale spontanée et sauvage : usines, écoles, bureaux, établissements publics, trains de banlieue…
Les manifestants bloquent l’autoroute (A32) et les deux routes nationales (S24 et 25), les voies de la ligne internationale Turin-Modane sont occupées à Avigliana. Des barrages et des barricades sont érigés dans les villages de la vallée par des personnes de tous âges, des plus jeunes aux plus vieux, pour empêcher les policiers « assassins » de redescendre dans leur campement près de Turin. Un face à face très violent se déroule entre 5 000 manifestants et la flicaille à Bussoleno aux cris de « Reprenons Venaus ! ». La journée se termine par des assemblées générales qui convoquent une manifestation pour le 8 en direction de Venaus.
A Turin, le maire Chiamparino est réveillé par des slogans contre le TAV puis, après un rassemblement devant la préfecture, une manifestation de 2 000 personnes se rend jusqu’à la gare centrale de Porta Nuova où les trains sont bloqués. Les manifestants se rendent ensuite piazza Castello devant le siège de la Région Piémont : sa présidente, Mercedes Bresso, est reconnue dans sa voiture et doit se réfugier pendant une demie-heure dans ses bureaux tandis qu’un conseiller régional se prend des coups. Au passage de la manif, une vitrine de banque est pétée, deux voitures de la police municipale endommagées, un flic blessé, les murs de la ville repeints et les stores d’une boutique des Jeux Olympiques arrachés.

7 décembre : Un rassemblement en solidarité se tient en Suisse devant le consulat italien de Lugano et dans une dizaine de villes italiennes

8 décembre : Parties de Susa, 30 000 personnes manifestent en direction de Venaus. Alors que le gros du cortège choisit de bifurquer vers l’autoroute pour passer par les bois, plus d’un millier d’entre elles choisit l’affrontement direct au check-point et parvient à enfoncer les cordons de flics qui protègent l’accès au site de Venaus. Après plusieurs heures d’escarmouches à coups de lacrymogènes contre les pierres puis d’affrontement au corps à corps, les derniers 250 flics en tenue anti-émeute, encerclés de toute part, lâchent et le chantier est réoccupé pour quelques heures par des milliers de valsusains. Les engins et infrastructures y sont défoncés, tout comme ce qui permettait aux flics de veiller sur place (algecos, mobile homes). De nouvelles barricades sont érigées. On relève 12 carabiniers et 4 policiers blessés.
A Rome, la cérémonie pour le départ de la flamme olympique qui doit parcourir le pays est perturbée par un anti-TAV qui est monté à la tribune afin de hurler sa colère au maire de Turin, Sergio Chiamparino, présent à la cérémonie.

9 décembre : Rassemblement en solidarité avec la lutte en Val Susa à Grenoble, devant le siège des Verts Isère. Un autre est prévu le lendemain à Chambéry devant la mairie.

10 décembre : Réunion au sommet à Rome entre ministres, responsables locaux des petites communes du Val Susa, un responsable des chemins de fer italien et le maire de Turin, qui accueille les Jeux Olympiques d’hiver 2006 dont plusieurs événements auront lieu dans la vallée. A la sortie, le gouvernement italien promet d’attendre la remise d’un rapport sur l’impact sanitaire et environnemental du projet dans la vallée d’ici mai 2006 avant de lancer les travaux à Venaus. De leur côté, les participants à la réunion ont accepté de ”respecter” le site prévu des travaux et de laisser la compagnie chargée de la construction en prendre possession, selon le communiqué du cabinet de Silvio Berlusconi. L’accord est interprété comme une « trêve olympique », deux épreuves des J.O. devant se dérouler en Val Susa à partir de février 2006.

11 décembre : Lors de l’assemblée générale de la vallée à Bussoleno, les maires des petites communes du Val Susa et les présidents des deux Communautés de montagne précisent qu’ils n’ont rien signé, renvoyant la décision à leur conseil municipal. Au cours du débat houleux devant 3000 personnes, ils précisent aussi qu’ils refusent de s’associer à la manifestation du 17 à Turin, lui préférant une « kermesse culturelle ». 12 décembre : Le parquet de Turin met sous scellés judiciaires les 35 000 m2 du site de Venaus « pour faciliter le travail des enquêteurs sur les affrontements et destructions de matériel de chantier ». « La mesure n’empêchera pas la reprise des travaux, il sera suffisant que les dirigeants de LTF et les mandataires du consortium CMC en fassent la demande au parquet et les travaux seront réautorisés à démarrer » explique le procureur Laudi, coordinateur du pool anti-terrorisme de Turin.

16 décembre : Occupation symbolique à Ravenne du siège de la Cmc qui doit construire la descenderie de Venaus.

17 décembre : Manifestation et rassemblement de 50 000 personnes à Turin. Le soir, le député européen de la Ligue du Nord, Mario Borghezio, se prend des coups dans le train qui ramène des manifestants anti-TAV vers Milan.

19 décembre : Réunion de la Conférence intergouvernementale (CIG) qui supervise l’ensemble des travaux. Dans le même temps, la commission européenne aux transports nomme cinq experts internationaux (deux en transport, un en environnement et deux géologues) pour « vérifier le déroulement des travaux ».

22 décembre : Le parquet de Turin met en examen 19 personnes et fait incarcérer Marco M., accusés de plusieurs explosions de colère survenues le 6 décembre à Turin (blocage de la gare de Porta Nuova, nombreux tags, attaque d’une voiture de la police municipale, quelques coups contre des banques et un magasin des JO).

23 décembre : Incendie d’un dispositif électrique sur la ligne TGV Paris-Lyon-Turin dans l’Yonne, qui perturbe le trafic pendant plusieurs heures, revendiqué « en solidarité avec le Val Susa en lutte ».

29 décembre : Nuit des flambeaux en Val Susa. Toutes les lumières de Noël s’éteignent à 18h et des centaines de torches s’allument « pour arrêter les projets nuisibles qui dévastent les vallées alpines ». Initiative qui touche également le val Pellice.

31 décembre : Fête du nouvel an sur le terrain occupé à Venaus.

7 janvier 2006 : Manifestation à Chambéry, des milliers d’italiens y sont attendus.